Lettre autographe signée à Victor Hugo, [Hauteville House, Guernesey]
Auguste Vacquerie (Villequier, 1819 – Paris, 1895)
Jeudi [23 ou 30 Novembre 1865] [Paris]
Manuscrit
Papier bleu, encre brune, feuille pliée en deux
13,6 cm ; L. 10,3 cm
Achat, Librairie Georges Heilbrun, 76, rue de Seine, Paris 6e.
Inv.1959.51.13 [384]
Jeudi
Mon cher maitre, je suis allé à la France demander l’adresse de M. [Auber…] ; c’est à Dijon, ici il est professeur à la Faculté ; j’ai mis la lettre à la poste, et il l’a maintenant. – Je vous envoie en retour ma lettre dont on m’a chargé pour vous. – J’espère bien que vous n’êtes pas trop ému des quelques criailleries qu’ont malheureusement soulevées les Chansons des Rues et des Bois[1]. Le crime de lèse-ennui et de lèse imbécilité que vous commettez à chaque volume se triple cette fois de la double récidive que vous avez eu l’insolence d’annoncer pour février et pour mai. Il se […] de la nouveauté du livre, original sans votre originalité même. Ce qui fait que je l’adore, l’accentuation du droit de l’homme, de la vie, du corps, ajoute à l’ensemble de votre œuvre une note qui, sans lui manquait absolument, n’était pas fréquente. C’est maintenant qu’on peut dire que vous êtes complet ! celui qui fait Chansons dans le […] du Shakespeare a le devoir de faire les deux pièces au Cheval. – mais les brutes et les envieux et les bonapartistes, et les républicains farouches mais agréables, ont de même […] le devoir de se trouver offensés. Donc vous n’avez pour vous que mad. Sand, St Victor, Janin, Ulbach, Fried’Rick, Aubertin, Rochefort Villemot, Forcade, qui, dans la Revue des 2 mondes, a fait d’une publication littéraire un étirement politique, etc – etc, et tout ce monde !
J’ai diné l’autre jeudi chez Gautier, nous y avons bu à votre santé, et je vous avoue que l’enthousiasme a été convenable. Je dine dimanche prochain chez […] avec St Victor ; je lui demanderai s’il a reçu vos lettres ? – Je sais que vous avez déjà envoyé la moitié des Travailleurs de la mer[2] ; donnez l’autre moitié bien vite, et puis Torquemada et la Grand’mère, et attendez-vous à des réactions, je voudrais bien voir qu’ils ne fussent pas furieux. Mais à leur place je vous assassinerai ! Heureusement pour moi, j’aime mieux vous embrasser
a.v.
[1] Publiées chez Lacroix, Verboeckhoven & Cie le 25 octobre 1865.
[2] Victor Hugo envoya une première partie du manuscrit à l’éditeur, le 25 novembre 1865, cf. Œuvres Complètes, Romans, Tome VII, éd. Ollendorff, 1911, Notes de l’éditeur, p. 508-509.