Près d’Avranches.
François Flameng (Paris, 1856 – Paris, 1923)
Pleine page à l’encre et au fusain destinée à illustrer l’édition Hetzel-Quantin, dite définitive des Œuvres complètes, 1880-1889
Paris, 1887
Inv.2004.2.83
Œuvre acquise et restaurée avec le concours de l’État et de la Région Normandie (FRAM / FRAR)
VI
PRÈS D’AVRANCHES.
La nuit morne tombait sur la morne étendue.
Le vent du soir soufflait, et, d’une aile éperdue,
Faisait fuir, à travers les écueils de granit,
Quelques voiles au port, quelques oiseaux au nid.
Triste jusqu’à la mort, je contemplais le monde.
Oh ! que la mer est vaste et que l’âme est profonde !
Saint-Michel surgissait, seul sur les flots amers,
Chéops de l’occident, pyramide des mers.
Je songeais à l’Égypte aux plis infranchissables,
À la grande isolée éternelle des sables,
Noire tente des rois, ce tas d’ombres qui dort
Dans le camp immobile et sombre de la mort.
Hélas ! dans ces déserts, qu’emplit d’un souffle immense
Dieu, seul dans sa colère et seul dans sa clémence,
Ce que l’homme a dressé debout sur l’horizon,
Là-bas, c’est le sépulcre, ici, c’est la prison.
Mai 1843.
Les quatre vents de l’esprit. III. Le livre lyrique. La destinée. VI. Près d’Avranches