Belvédère Look-Out Hauteville House
Georges Hugo (Bruxelles, 1868 – Paris, 1925)
Guernesey, 1905
Huile sur toile
Dépôt MNAM
Hauteville House et en particulier son look-Out seront un lieu de travail inspirant et intense pour Victor Hugo. Ainsi, au revers de la toile, une note manuscrite de Georges Hugo évoque le travail de son grand-père dans Le « Look-out » à Hauteville House. « C’est là que mon grand-père a écrit La Légende des Siècles, Les Contemplations, Toute la Lyre, Les Misérables, Les Travailleurs de la mer et l’Homme qui rit. Etc.
(…) Nous avons vu, ma sœur et moi, notre grand-père travaillé dans sa cage de verre et c’est un des plus chers souvenirs de notre enfance. Nous montions, à pas de chat, l’échelle de bateau qui conduit au Look-out. Et avant de le surprendre, nous regardions sa puissante silhouette qui se découpait sur le ciel. Nous entendions le grincement de la plume d’oie. Il était debout devant une tablette de bois noir fixée au mur. Il travaillait immobile. Derrière lui, sur le divan, les pages achevées séchaient au soleil. Dès qu’il nous entendait, il se retournait vivement. Il était tout souriant. Il se penchait pour nous baiser au front et nous partions sur la plante pointe de pieds, tandis que recommençait le grincement de la plume d’oie.
Il fait si chaud l’été dans le Look-out, que la peinture s’écaille et que le tin du miroir fond comme au feu. Le reflet des faïences est [ exultant ?]. Il écrivait tête
[ basse ?] dans cette fournaise avec tranquillité. Si la chaleur de l’été est sauvage sans ces visites qui l’exaspèrent, le froid, l’hiver, y est glacial. Sans paletot, tête nue toujours, aussi calme et serein, il écrivait encore. Le vent s’engouffrait par les fenêtres grandes ouvertes. Il était alors en plein ouragan. Il assistait à la tempête comme du haut d’un phare. Et quand la feuille du manuscrit était soulevée par la rafale, il posait dessus pour la fixer un de ces gros galets qu’il ramassait dans ces promenades sur les grèves. Quelquefois, par amusement, entre deux strophes, il griffonnait un vers sur le galet ou l’égayait d’une arabesque comme il eut fait un dessin dans la marge. Et puis, avec l’œil du marin qui voit venir la mouette du fond de l’horizon, il regardait là-bas, du côté de Saint-Sampson où la vue était blanche d’écume, si quelques Gilliatt dans sa barque tenait bien tête aux lames furieuses (…). »
Georges Victor Hugo
(Extrait d’un discours prononcé à Hauteville House, le 7 juillet 1914, à l’occasion de l’inauguration à Guernesey d’un monument de Victor Hugo)